La mobilité a un genre et il serait temps de s’y intéresser !

Le 17 juin 2022, à la suite d’une semaine pleine de rebondissements qui nous a notamment valu de déclencher une tempête sur Twitter et des articles dans différents journaux, Femmes en Mouvement a décidé de prendre sa plume pour adresser un sujet fondamental : la mobilité a un genre et il serait temps d’agir !

Nous en profitons pour remercier Les Nouvelles News d’avoir publié notre tribune, que nous reproduisons ici.

« Le mois de juin s’annonçait plutôt bien puisque pour la première fois dans l’histoire de la profession, l’intégralité des tables rondes de la grande messe du secteur “L’Euro Mobilty Expo”, était mixte ! Alors qu’en septembre dernier, les Rencontres nationales du transport public (RNTP) affichaient une piètre performance avec une table ronde de clôture comptant 10 hommes sur 10 participants. L’arrivée à la tête de l’Union des Transports Publics et ferroviaires (UTP) d’une présidente, Marie-Ange Debon (par ailleurs présidente du Directoire de Keolis) et d’une directrice générale, Florence Sautejeau, ex-conseillère sociale de Jean Castex, a visiblement permis une prise de conscience de la nécessaire modernisation de la composition des tables rondes ! Même si la parité n’était pas systématiquement au rendez-vous, la programmation a fait la part belle aux nombreuses femmes de la profession, en France et en Europe. Comme quoi, il ne fallait qu’un peu d’efforts et de volonté affirmée, pour mieux refléter à la tribune la réalité des effectifs du secteur. Au même moment, nous partagions via un communiqué de presse la réjouissante nouvelle que 20 entreprises et associations professionnelles avaient adhéré à notre association et s’engageaient à nos côtés pour faire avancer la mixité dans la profession. 

La mobilité a un genre mais cela ne se sait pas encore (assez) !

Mais dans le même temps, une polémique, née d’un échange avec Fabien Bagnon, le vice-président à la voirie et aux mobilités actives du Grand Lyon , montrait que nous avons encore du pain sur la planche en ce qui concerne notre 2ème champ d’action : la mobilité des femmes et le genre des mobilités ! (Lire : A LYON, LA POLITIQUE DÉGENRÉE DÉRANGE)

Savez-vous que les accidents de la route mortels sont provoqués à 85% par des conducteurs, mais que les femmes ont presque 20% de risques supplémentaires d’en mourir que les hommes ? Que les femmes effectuent davantage de trajets courts et en chaîne -pour des raisons plus liées au fonctionnement du foyer et moins pour des motifs professionnels que les hommes, ce qui contribue à les sous-estimer dans les études de déplacements ? Que 90% des femmes françaises ont été victimes de harcèlement sexuel dans les transports en commun ? Si ce n’est pas le cas, nous vous invitons chaudement à lire le livre éclairant de Caroline Criado Perez : Femmes invisibles.

Revenons à la polémique du moment : les pistes cyclables peuvent-elles être sexistes ? Alors que Fabien Bagnon invitait 3 hommes célèbres dans la cyclosphère à découvrir les nouveaux aménagements cyclistes, nous nous sommes permises de lui rappeler sur Twitter qu’il fallait aussi inviter des femmes à venir les essayer. Fabien Bagnon, adhérent de Femmes en mouvement depuis septembre dernier, a répondu que les équipes de la métropole travaillaient avec la communauté féminine de Beyondmybike (adhérente également de Femmes en Mouvement)  pour s’assurer que les pistes étaient “non-genrées et inclusives”.

Que n’avait-il dit là ! Vite fait, mal fait, des esprits mal intentionnés ont créé un amalgame de toute pièce, transformant “genré” en sexiste ! Alors que le sexisme est une discrimination fondée sur le sexe, ou, par extension, sur le genre d’une personne, la réflexion “genrée” consiste à se demander si un genre (féminin ou masculin) est avantagé par rapport à l’autre dans une situation. Il existe ainsi pléthore d’études montrant que des infrastructures conçues par des hommes pour des hommes, comme le démontre Matthieu Adam dans l’article très intéressant de Margaux Otter paru dans l’Obs. Pour autant, alors que ce sujet concerne plus de 50% de la population, la thématique du genre dans les mobilités n’arrive pas encore à percer : Ainsi plusieurs rapports sont récemment sortis dans lesquels la question du genre n’est pas abordée alors que les spécialistes du secteur savent qu’il s’agit d’une question prégnante : 

  • En février 2022, le député Guillaume Gouffier-Cha a publié un rapport parlementaire sur la filière économique du cycle en éludant complètement la question du genre. Ainsi, les très grandes disparités des genres, notamment au sein des mécaniciennes, ne sont pas évoquées. 

  • Un mois plus tard, un autre député, Jean-Marc Zulesi, a publié un  rapport parlementaire sur la mobilité des seniors “Marcher, bouger, pédaler” étudiant le rapport entre les mobilités actives et la santé des seniors, mais sans aborder la question du genre, alors que les femmes âgées sont plus nombreuses que les hommes et ont des besoins différents car elles vivent plus longtemps mais en moins bonne santé et avec des revenus inférieurs.

  • Egalement en mars 2022, la fondation Nicolas-Hulot et Wimoov ont publié la seconde édition de leur baromètre de la mobilité au quotidien. Si certains chiffres présentent une différence entre les hommes et les femmes, la question du genre dans les comportements y est à peine abordée.

  • Pour terminer, deux chercheuses, Manon Loisel et Magali Talandier, ont publié, début mai,  une étude sur les travailleurs mobiles sans mentionner la répartition des genres selon les métiers alors que la proportion de chaque genre n’est clairement pas la même si on parle technicien de maintenance ou soignante à domicile. 

Au lieu de jeter l’anathème sur celles et ceux qui ont le courage de faire un pas de côté, conseillés par les expertes ou experts du sujet, il est plus que temps de s’intéresser sérieusement aux nombreux travaux des sociologues et des urbanistes. Cela permettrait à la twittosphère scandalisée de s’interroger sur ses propres ressentis, freins et expériences lors de ses déplacements. 

Alors que le changement climatique menace un peu plus chaque jour notre qualité de vie (à commencer par la nouvelle canicule de cette fin de semaine), il est plus que nécessaire que les acteurs des politiques de déplacement ouvrent leur réflexion à la problématique du genre. C’est à cette condition que l’on prendra mieux en compte la diversité des besoins et que la moitié de l’humanité pourra elle aussi profiter d’une mobilité plus durable ! »

Précédent
Précédent

Notre administratrice Lucile Ramackers dans le reportage “Affranchies”

Suivant
Suivant

Femmes en Mouvement dans Ville Rail & Transports