Synthèse de l’apéro avec Régina Dutacq et Mathilde Gadea

Pour bien terminer l’année 2023, Femmes en Mouvement a organisé une rencontre placée sous le signe de la mer, autour de 2 femmes de générations différentes, toutes les deux très investies et engagées dans leur vie professionnelle et associative. Mardi 12 décembre, nous avons ainsi accueilli chez iQo, Régina Dutacq, directrice de la Compagnie Océane, filiale de Transdev, et Mathilde Gadéa, jeune commissaire des armées.

Régina Dutacq est une « Transdev woman » depuis plus de 30 ans. Après une formation en ressources humaines, Régina a d'abord travaillé pendant 13 ans au sein de Véolia où elle a occupé différentes fonctions support en tant que DRH et DAF avant de souhaiter prendre la direction d’un centre de profit au sein du groupe Transdev. Elle prend alors la direction de la filiale Transdev Normandie Manche pendant 5 ans puis de Transdev Mont Saint Michel de 2009 à 2022.

Il a un an, Régina devient la directrice de la Compagnie Océane qui est en charge des liaisons maritimes vers les îles du Morbihan (Belle-Ile en mer, Groix, Houat et Hoedic). « Cette nomination a entraîné un véritable changement de vie personnelle et professionnelle que j’ai relevé avec plaisir » indique-t-elle. Régina est la première femme directrice de cette compagnie. « Le milieu marin est très masculin et je ne connaissais pas bien cet univers. Je suis tout de suite allée sur le terrain, à la rencontre du personnel. Cela s’est très bien passé, dans le respect mutuel » témoigne-t-elle.

Quelques chiffres concernant la Compagnie Océane : 7 navires, 250 à 340 salariés selon les périodes de l’année, 1,6 million de passagers par an, 9 000 tonnes de marchandises transportées, 14 000 trajets, 30 millions de chiffre d’affaires. « Dans le cadre de cette mission de délégation de service public (DSP), je fais le lien entre les différents usagers, les insulaires, la Région Bretagne, les collectivités locales et les maires des îles » explique-t-elle.

Derrière ces rotations maritimes, une organisation cadencée et bien rodée pour répondre à l’objectif principal qui est d’assurer le transport des passagers régulièrement et en toute sécurité. A la tête de chaque navire, le capitaine, seul maître à bord et responsable des décisions qu’il prend, en fonction des conditions météo, des marchandises, etc. Une femme est en train de parfaire sa formation pour devenir capitaine. « Je serai très heureuse de voir une femme prendre cette responsabilité au sein de la compagnie» se réjouit Régina.

De nombreuses autres personnes gravitent autour du commandant, à terre ou en mer : le capitaine d’armement, les responsables d’exploitation, les matelots, les caristes, les hôtesses d’accueil, l’équipe technique, les manœuvriers, etc.

La Compagnie Océane accompagnera pendant son contrat de DSP la Région Bretagne dans la conception d’un nouveau navire moins polluant. « Ce ne sera pas un bateau à voile car cela n’est pas adapté à notre mission de service public. Nous devons pouvoir transporter jusqu’à 450 passagers et 36 véhicules par traversée » précise-t-elle. Pour le moment, plusieurs types de motorisation électrique ou à hydrogène sont évoqués, mais le choix n’a pas encore été fixé. Ce navire est prévu d’être mis en service en 2027/2028.

En parallèle, Régina a eu une vie associative et citoyenne bien remplie. En effet, elle a été conseillère intercommunale, conseillère municipale et Maire entre 2013 et 2019.  De 2013 à 2021, elle a été Présidente du Club de Basket‐ball Professionnel féminin en Ligue 1 L1 -USO Mondeville Basket.

« Ces deux expériences m’ont beaucoup apporté, tant par la qualité des échanges relationnels, le partage et le service que par la responsabilité des engagements pris et des défis à relever, explique-t-elle. Le milieu associatif ou les fonctions municipales sont bien différentes de l’univers professionnel. L’aboutissement de projets, des matchs gagnés ou tout simplement des sourires échangés  récompensent  amplement l’énergie et la disponibilité demandés ! ».

Autre parcours, autre source d’inspiration

Etudiante à Sciences-Po Paris, Mathilde Gadéa, à la recherche à la fois « d’un cadre et d’aventure », devient réserviste au sein de la Marine Nationale. « J’avais entendu à la radio le témoignage de la commandante Christine Allain. Je voulais faire la même chose ! ». Mathilde utilise ces périodes de réserve pour découvrir les métiers de la Marine et comme tremplin professionnel. Elle signe alors pour un contrat d’un an et est envoyée sur le Prairial, une frégate de surveillance basée à Papeete (Tahiti). Elle effectuera deux missions en mer d’un 1 mois et demi chacune, en Nouvelle-Zélande et à Hawaï. Ensuite, elle rentre en métropole pour terminer ses études à Sciences-Po puis décide de passer le concours de Commissaire des armées, qu’elle réussit. Elle intègre le commissariat de l’armée de terre, suit 2 ans de formation, puis est affectée 3 ans dans un régiment à Tarbes. Elle occupe actuellement un poste au sein de la direction des ressources humaines de l’armée de terre à Paris.

Mathilde est revenue sur son expérience en mer. Elle a d’abord rappelé les 3 principaux risques en mer : incendie, voie d’eau et homme à la mer. « Nous faisons beaucoup d’exercices pour nous prévenir de ces dangers. Il faut savoir qu’un bateau fonctionne 24 heures/24 : les postes essentiels à la navigation fonctionnent par « quart », c’est-à-dire par tranches de quatre heure, ce qui implique un rythme de vie et de travail très dense à la mer, avec des périodes de repos sans nuit complète.

« Cette année à Tahiti fut une expérience à la fois compliquée, éprouvante mais également riche et formatrice » analyse Mathilde. « J’étais la seule femme officier, très jeune (21 ans) et c’était ma première expérience professionnelle ». Loin de chez elle, au milieu d’une « boys band », ne maîtrisant pas les codes, Mathilde a du mal à faire sa place. « J’oscillais entre 2 mondes, en journée, celui des officiers, bienveillants, mais parfois paternalistes, voire condescendants, et le soir, celui des officiers mariniers ou sous-officiers, plus rustres ». Entre couverts en argent à midi et barbecue merguez le soir, Mathilde a eu le sentiment de devoir batailler. En mer, la promiscuité tend toutes les relations humaines : « Je n’arrivais pas à faire l’impasse sur le fait que j’étais une femme ». Sur cette frégate de 90 mètres de long, il y a 90 marins (dont 9 femmes). « Les espaces sont exigus. Et encore, j’ai eu la chance d’avoir une chambre pour moi toute seule mais souvent les marins sont 6 ou 8 par cabine » précise-t-elle. Pour elle, il y a des similitudes entre la vie à bord et l’univers carcéral. « Cette promiscuité peut créer des tensions fortes ». Côté positif, elle estime qu’en mer, une cohésion au sein de l’équipage se crée. Elle a également fait de belles rencontres humaines. « J’ai été surprise de la variété des parcours individuels, on croise des personnes ouvertes d’esprit, grâce aux nombreuses affectations/missions qu’elles ont effectuées ». Enfin, elle souligne le rôle d’escalier social joué par la Marine. « Il y a beaucoup de formation continue et de vraies possibilités d’évoluer ».

« En régiment, cela s’est mieux passé. Déjà, il y a plus d’espace et le soir, on peut décompresser en rentrant chez soi. Et maintenant, j’ai davantage de répartie et de punchlines ! » dit-elle en souriant. Même si elle reconnaît ne pas avoir une âme d’infirmière, elle a eu l’impression d’apporter du « lubrifiant social » au sein du régiment, un monde encore très masculin, où les hommes ne sont pas toujours très doués pour les relations interpersonnelles. « J’ai vraiment réussi à gagner ma place sans me renier » conclut-elle.

Par ailleurs, Mathilde est secrétaire de l’association « Avec les femmes de la Défense ». Celle-ci a été créée en 2016 pour faire progresser l'intégration, la visibilité et le réseau des femmes au sein de la Défense et dans les armées. Par exemple, les femmes ne sont acceptées à l’Ecole Navale que depuis 1993 et sur les sous-marins depuis 2014. « Il y a quelques années, il y avait encore une certaine hostilité envers les femmes, comme si nous prenions la place des hommes. Désormais, notre message est entendu et porté » estime-t-elle.

Un grand merci à Régina et Mathilde pour leurs témoignages et nous vous souhaitons de belles fêtes de fin d’année. Rendez-vous le 18 janvier pour notre prochain apéro parisien !

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