Synthèse de l’apéro de Bruxelles du 27 septembre 2023

A l'occasion de la venue en Europe de Renée Amilcar, première femme à avoir été élue présidente de l'Union Internationale des Transports Publics, Femmes en Mouvement a organisé son premier apéro de l’année 2023/2024 dans les locaux de l’UITP avec Renée Amilcar, Fabienne Keller, députée européenne et Isabelle Vandoorne, fonctionnaire européenne au sein de la direction générale « mobilité et transport » (DG Move).

Les échanges ont principalement porté sur le fait d’être une femme dans des mondes plutôt masculins (la politique, les transports), sur la lente mais fructueuse féminisation de la filière transports et enfin sur l’intérêt de prendre en compte les enjeux de l’égalité des genres et de la diversité pour une meilleure efficience des transports publics.

Renée Amilcar est revenue sur sa nomination en tant que première femme présidente de l’UITP. « J’ai intégré l’UITP en 2010. Le secteur des transports publics est un monde d’hommes, mais j’ai su m’en faire des alliés, en maîtrisant les sujets techniques. C’est en étant présente, très impliquée, en posant les bonnes questions et en apportant mon point de vue, que j’ai pu me démarquer et être portée par mes pairs à ce poste ». Main de fer dans un gant de velours, se définit-elle, en souriant.

Diversité fructueuse

De son côté, Isabelle Vandoorne explique que la Commission européenne a initié il y a une dizaine d’années une féminisation de ses effectifs. « A compétences égales, la règle est de choisir une femme. Cela créé des frustrations chez nos collègues masculins, mais je suis persuadée que ce rééquilibrage entraîne une spirale positive. La diversité au sens large est toujours fructueuse ». La direction générale « transport et mobilité » inclut la question du genre dans l’ensemble de ses travaux, que ce soit dans ses analyses d’impact des politiques de transport ou dans ses propositions de lois. Par exemple, l’agence ferroviaire européenne se mobilise pour encourager les femmes à faire carrière dans le secteur ferroviaire ou encore pour mieux prendre en compte la sécurité des femmes dans les trains.

« Il est important que l’Europe donne des signaux forts et déterminés en faveur de l’égalité » confirme Fabienne Keller, qui a rappelé l’existence du pacte Simone Veil, lancé en 2020. Ce pacte vise à faire de l’égalité femmes-hommes un droit fondamental dans la construction européenne et à harmoniser par le haut les droits des femmes dans l’Union européenne. « L’objectif est d’aller chercher les bonnes pratiques dans les différents pays et d’en faire une norme à l’échelle européenne » indique-t-elle. Tout au long de sa carrière, elle a pu observer les résistances (« mais en mettant en avant nos compétences, on finit par y arriver ! ») et la nécessité de faire évoluer les mentalités, notamment dans le monde du transport, dominé par les ingénieurs. Parmi les bonnes pratiques qui essaiment, on peut citer l’allongement du congé parental (inspiré par les pays nordiques), la possibilité de déposer plainte en pharmacie pour les femmes victimes de violences conjugales (inspiré par l’Espagne). Pour elle, c’est à la fois par l’action législative mais aussi par les échanges et les rencontres entre femmes de différentes cultures, que l’égalité femmes/hommes progressera. « Nous devons nous encourager entre femmes, nous motiver. Encore beaucoup trop de femmes n’osent pas, se retiennent. Pourtant le droit est de notre côté » martèle Fabienne Keller.

Mixité comme un avantage

Par ailleurs, la féminisation des effectifs dans le secteur du transport et la prise en compte des enjeux des femmes et des personnes plus fragiles dans les transports sont bénéfiques pour toute la société. « La lutte pour davantage de mixité n’est pas forcément défensive. La mixité peut être traitée comme un avantage » affirme Fabienne Keller, en évoquant l’exemple des réflexions qui ont été menées lors de la mise en place du tramway à Rabat pour mieux y accueillir les femmes.

Face à la pénurie de femmes conductrices de bus, Renée Almicar explique que OC Transpo, l'organisme chargé des transports urbains d'Ottawa, a mis en place une formation dédiée aux femmes et assurée par des femmes. Accusée de discrimination, elle estime que ce genre d’initiative est pourtant un message fort et important. « La présence de davantage de femmes dans les bus est positive. On constate qu’il y a moins de violence dans les bus conduits par des femmes. Et Marie-Xavière Wauquiez de rappeler que les femmes sont de meilleures conductrices ! « Il est important de savoir penser « out of the box », estime Renée Amilcar. Il ne s’agit pas de tout réinventer, mais de mettre en place des petites choses pour faire évoluer les mentalités ». De la même façon, le fait qu’il y ait plus de femmes contrôleuses dans les trains est positif.

« Face à la pénurie de main d’œuvre, la féminisation du secteur des transports est un enjeu vital, car on supprime déjà certains services, lignes, etc., a observé un participant. Comment faire pour que les femmes osent et s’y intéressent ? »

Attirer des femmes dans la filière transport : un enjeu multifactoriel

Les difficultés pour attirer les femmes vers les métiers du transport sont réelles : pas assez de jeunes filles s’orientant vers les filières scientifiques, des conditions de travail et des horaires parfois peu compatibles avec une vie de famille (dont elles ont encore en majorité la charge et l’organisation).

Pour Isabelle Vandoorne, « le monde du transport sera long à faire évoluer », mais elle croit à l’importance des roles models et aux jeunes générations pour faire évoluer les mentalités. « Il y a un énorme travail de communication à faire pour casser l’image encore très masculine du monde des transports ». Cela passe également par des programmes d’accompagnement et de formation spécifiques à l’attention des femmes.

« Il est un peu dommage d’aller chercher les femmes seulement lorsqu’il y a des problèmes » observe Fabienne Keller. Pour elle, cela passe par de meilleures conditions de travail, un travail sur l’image du secteur, en s’appuyant notamment sur les femmes qui y travaillent « car ce sont les meilleures prescriptrices ». Elle évoque également le travail sociologique très utile menée par des chercheuses pour améliorer les espaces de transport (rames, gares, etc.). « Le transport, ce n’est pas seulement de la physique, c’est aussi une ambiance. Cela passe par l’éclairage, l’aménagement des gares en vue d’en faire un lieu de vie, agréable (exemple : installation d’un piano ou d’une petite exposition). Tout cela change le ressenti du transport public. Les femmes oseront davantage s’investir dans ce secteur si elles s’y sentent bien » estime-elle.

De son côté, Renée Amilcar souligne l’importance qu’il y ait plus de femmes dans les instances représentatives afin de mettre en lumière les problématiques des femmes et de faire évoluer les conventions collectives.

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