L’équipe lyonnaise de Femmes en mouvement est heureuse d’avoir accueilli le mardi 29 mars 2022 deux femmes ingénieures : Hélène Fantinutti et Marine Latham.
Au menu : les actions pour améliorer la qualité de l’air, la transition énergétique dans la filière transports, les nouveaux usages de la mobilité et pour finir, le fait d’être une femme ingénieure dans un milieu d’hommes. Une rencontre intéressante et dynamique !
Améliorer la qualité de l’air : de quoi parle-t-on ?
Marine Latham est actuellement directrice générale d’ATMO Auvergne-Rhône-Alpes, une association en charge de la qualité de l’air, qui a pour missions de conseiller, d’accompagner et de sensibiliser sur ces enjeux. On parle avant tout d’émission de gaz à effet de serre (CO², CHA, protoxyde azote, ozone) et polluants à effets sanitaires (exemple NOX, SO², NH3, PM)…
60 éléments différents sont surveillés sur 200, éléments générés par les activités humaines comme le transport, les activités agricoles, l’industrie et le résidentiel, et utilisation d’énergies fossiles.
Faisant preuve de pédagogie, Marine a rappelé que le vrai sujet n’était pas tant les émissions de gaz à effet de serre ou d’autres molécules polluantes, que celui de la concentration de ces gaz et molécules dans l’air. Celle-ci est liée à la météo (l’air est-il suffisamment brassé ?) et à la topologie des lieux (par exemple une vallée alpine pouvait être beaucoup plus polluée qu’une autre, faute de courants d’air).
La question de la qualité de l’air concerne à la fois le climat et les effets à moyen et long terme sur l’environnement, et la santé humaine avec des effets immédiats. 40 000 décès prématurés par an en France seraient attribuables à l'exposition aux particules fines. Pour rappel, on respire 15 000 litres d’air par jour. Les connaissances sur les effets sanitaires de la qualité de l’air s’affinent, alors qu’en parallèle les normes deviennent de plus en plus exigeantes.
Les trois principales sources de pollution à Lyon sont les transports, le chauffage au bois et l’industrie. Chacun.e d’entre nous peut agir sur les deux premiers facteurs.
Le trafic routier représente ainsi 60% des émissions d’oxyde d’azote, 10% des particules fines et 35% des gaz à effet de serre.
Pour améliorer la qualité de l’air, l’Etat et les collectivités peuvent agir sur trois leviers : accélérer le renouvellement du parc automobile par des véhicules moins polluants, diminuer la quantité de véhicules qui circulent et favoriser la fluidité de la circulation. Parmi les dispositifs, elle a évoqué :
les zones 30 qui visent à inciter les gens à moins prendre leur voiture (en revanche à 30 km/heure, un véhicule émet davantage d’émissions qu’à 70 km/h ou même 50),
les zones à faible émission (ZFE) : chaque commune (de plus de 100 000 habitants) fixe les périodes où la circulation est restreinte, les types de véhicules concernés (voitures, poids lourds, etc.) ainsi que le niveau Crit'Air minimum pour pouvoir circuler.
De nouveaux usages de la mobilité
Hélène Fantinutti est secrétaire générale et Directrice Axe Développer chez CARA (Cluster de la Région Auvergne-Rhône-Alpes et Pôle de Compétitivité et Filière Automobile et Mobilités).
Cela fait déjà plusieurs années que la filière transports est fortement challengée par la transition énergétique et l’innovation, notamment sous l’effet des normes européennes. L'Europe compte mettre fin à la vente de voitures à moteurs thermiques dès 2035. La Commission a officialisé l'objectif de réduire les émissions moyennes des voitures neuves de 55 % à partir de 2030 et de 100 % à partir de 2035 par rapport aux niveaux de 2019 (voir le Pacte Vert de la Commission Européenne). Par ailleurs, une nouvelle réglementation européenne impose de recycler 85% de la masse d'un véhicule. Des projets de voiture à hydrogène et au GPL existent également. Mais le gap à franchir pour atteindre ces objectifs très ambitieux est très important et toutes les technologies ne sont pas totalement matures.
A côté de ces décisions européennes, il existe également des actions nationales (le bonus écologique), régionales et territoriales (ZFE par exemple).
Le principal enjeu chez CARA est d’intégrer dans leurs réflexions les nouvelles attentes et usages en matière de mobilité. Auparavant, être propriétaire d’une voiture était un marqueur social fort, dorénavant, les nouvelles générations sont davantage consommatrices de mobilité. On parle d’autopartage, de co-voiturage, etc. Être propriétaire de sa voiture n’est plus une fin en soi. On assiste également à la montée en puissance de l’économie circulaire et du recyclage. En revanche, la multiplication des besoins de livraison a explosé avec le e-commerce et les livraisons à domicile. Ces nouvelles façons de consommer et de se déplacer sont donc à intégrer.
Les attentes de mobilité ne sont pas généralisables de la même façon en zone urbaine, péri-urbaine ou rurale. Il faut également prendre en compte l’ensemble des situations selon la distance à parcourir. La mobilité n’est pas universelle, mais elle doit être adaptée à l’usage que l’on veut en faire. Les besoins et les contraintes sont très différentes entre du long courrier entre Marseille et la Chine ou pour la livraison du dernier kilomètre. Les réflexions sur la mobilité multimodale ou combinée progressent (mélanger routier, fluvial, ferroviaire, vélo, etc.). Quelle meilleure solution en fonction du besoin ?
S’affirmer dans un monde professionnel masculin
Dans un second temps, nos deux invitées ont évoqué leur expérience de femme ingénieure dans des milieux professionnels majoritairement masculins. Ingénieure en environnement de formation, Marine Latham a occupé plusieurs postes techniques et managériaux, notamment chez Lafarge. De son côté Hélène Fantinutti est ingénieure science des matériaux / électrochimie et a occupé différentes fonctions chez PSA/Stellantis. Toutes les deux ont vécu une expatriation de 3 ans à l’étranger.
Elles ont partagé certains épisodes qui les ont marqués, surtout au début de leur carrière professionnelle, lorsqu’elles se sont retrouvées au milieu d’hommes souvent plus âgés qu’elles devaient manager ou confrontées à des situations sexistes. « Le titre et les compétences ne suffisent pas toujours. Il faut souvent se battre pour prouver sa valeur et s’imposer » analyse Hélène. « Dans un comité de direction où j’étais la seule femme, mes sujets passaient toujours en dernier, j’ai dû me battre pour les faire remonter » observe Marine.
Elles regrettent ne pas avoir été suffisamment préparées durant leurs études. « Les sujets liés aux comportements managériaux et au savoir-être n’étaient malheureusement pas abordés en école d’ingénieur.es ». Apprendre à avoir confiance en soi, à oser prendre de nouvelles responsabilités, à réclamer une augmentation, tout ceci leur a pris du temps. « Je réalise que je me suis auto-fermée des portes. Avec le recul, je me dis que j’aurais dû davantage oser » constate Hélène.
Elles ont également évoqué leurs difficultés à concilier vie perso et vie pro, ainsi que les défis de mener une double carrière avec leur conjoint. « Avec mon mari, nous avons choisi de donner la priorité à nos parcours professionnels de façon alternative » indique Marine. Aujourd’hui, nous sommes satisfaits d’avoir pu développer nos projets de carrière de façon équilibrée ».
Davantage que dans la recherche de pouvoir ou d’un titre prestigieux, elles sont motivées par des projets professionnels qui ont du sens et grâce auxquels elles se sentent utiles.
Concernant la féminisation des métiers, elles sont inquiètes car, avec la réforme du bac, la proportion de filles qui choisissent les filières scientifiques a chuté de façon importante. « C’est dommage car nous nous sommes épanouies dans nos métiers d’ingénieure. Il y a des places à prendre ! Même si cela demande encore un peu plus d’efforts pour une jeune femme, elles peuvent s’y épanouir pleinement et le jeu en vaut la chandelle ! » concluent-elles.