Interview de Laurence Batlle, Présidente du Directoire de RATP Dev

Cette interview est publiée suite à la rencontre organisée par Femmes en Mouvement le 28 avril 2017 au Pavillon de l’Arsenal autour de Laurence Batlle.

 

Bonjour Mme Batlle, bonjour à toutes et tous,

Mme Batlle, nous avons fait connaissance lundi 24 avril dans votre bureau situé dans les hauteurs de la maison de la RATP. J’avais parcouru rapidement votre parcours – impressionnant- sur LinkedIn mais c’est à l’occasion de notre discussion que j’ai réalisé que vous êtes entrée à la RATP Dev dans les services financiers il y a 10 ans alors que cette filiale de la RATP ne faisait que 70 millions d’Euros de Chiffres d’affaires et elle en fait aujourd’hui 1,1 milliard. Et surtout que vous n’avez que 45 ans ce qui fait de vous non seulement une femme à la tête d’une belle entreprise mais en plus une femme jeune ! A titre d’exemple vous avez 13 ans de moins que Jean-Pierre Farandou et 11 ans de moins que le patron de Transdev, Thierry Mallet pour ne pas parler que des entreprises françaises !

Je voudrais donc vous demander de nous présenter en quelques mots votre parcours professionnel.

Mon père était militaire, ce qui fait que j’ai vite compris ce que désigne le mot « mobilité » ! Mes parents ont divorcé quand j’avais 17 ans et j’ai vu à quel point cela a été difficile pour ma mère de retrouver du travail après les longues années d’interruption de sa carrière pour élever ses trois filles. Je me suis alors jurée d’être toujours autonome.

J’ai fait mes études supérieures à l’École de Commerce de Nancy et je suis entrée chez Price WaterHouseCoopers où je suis restée pendant 12 ans jusqu’à ce que je devienne associée. A ce moment-là, j’ai compris que j’avais terminé un cycle et j’ai quitté l’entreprise, ce qui est très rare quand on a été coopté associée et qui n’a d’ailleurs pas toujours été bien compris. Je suis alors entrée chez Atos Origin comme VP Global Finance Support. J’ai vite réalisé que je ne partageais pas les valeurs de cette entreprise et alors que je m’apprêtais à me remettre sur le marché du travail, j’ai été contactée par un chasseur de tête de ma connaissance pour entrer dans une « start-up » d’un grand compte, RATP Dev, qui était alors une toute petite entreprise. Après un moment de surprise, je me suis penchée sur l’offre et j’ai finalement accepté le challenge ! Tout était à faire dans la direction financière ! Nous étions 4 personnes.

J’ai en particulier apprécié les valeurs portées par le management et tout particulièrement par Jean-Marc Janaillac, un leader humaniste, empathique, et visionnaire, portant un projet « osé», et c’est pour toutes ces raisons que j’ai dit oui !

De fin 2007 à 2014, j’ai été DAF dans cette entreprise : tout était à faire. J’y ai mis ma patte : de la rigueur, de l’excellence, et une vraie vision business partner de la direction.

En 2011, j’ai intégré le Directoire et en 2014, j’ai pris la tête de la BU Amériques, et Afrique et Sightseeing.

Cette année-là, j’ai eu la chance de pouvoir bénéficier d’un programme d’excellence au sein de la Harvard Business School de New York, pendant 2 mois. A cette période, la direction de cette zone, s’est libérée et François-Xavier Perrin, qui avait succédé à Jean-Marc Janaillac, m’a proposé d’en prendre la tête, ce qui était une façon de me préparer à mes futures nouvelles fonctions car le Président souhaitait organiser sa succession. En parallèle, je suis passée au travers d’un processus exigeant d’évaluation. Le processus a commencé lors de l’automne 2015 et j’ai été informée de la décision finale au cours l’été 2016. Nous avons ensuite passé le reste de l’année à peaufiner le passage de relais après une annonce officielle qui n’a pas fait beaucoup de bruit tant elle semblait naturelle.

En marge de mes responsabilités chez Ratp Dev, depuis 2014 je suis aussi administratrice indépendante du groupe de restauration Elior.

Le 2 janvier 2017, j’ai officiellement succédé à François-Xavier Perrin en tant que CEO de Ratp Dev.

Vous êtes la patronne d’une entreprise de transport public. Qu’est ce qui fait pour vous le sel de ce métier ?

Une valeur très importante qui caractérise les collaborateurs de Ratp Dev, c’est la bienveillance. Une autre valeur, c’est la passion ! Les gens de la mobilité sont passionnés par leur métier.

Ce qui fait aussi le sel de ce métier, c’est qu’on change la vie des gens, notamment quand on leur redonne du temps grâce à la mise en place et l’exploitation d’infrastructures. Par exemple, RATP Dev exploite le Gautrain qui fait la navette entre Pretoria et Johannesburg en Afrique du Sud. Grâce à ce train, ses voyageurs qui l’empruntent tous les jours gagnent 40 jours de vie par an par rapport à la voiture bien plus lente ! C’est énorme.

Vous êtes entrée en fonction le 1er janvier de cette année. Qu’est-ce que vous vous êtes dit le 2 janvier au matin en partant de chez vous pour prendre possession de votre nouveau bureau ?

Etant donné que le passage de relais avait été anticipé de façon approfondie et sérieuse, et que je connais intimement RATP Dev, j’avais confiance. J’avais confiance non tant en moi, mais en la société, en ses équipes, en ses valeurs qui sont de superbes bases pour réussir. Mais le 2 janvier, j’ai tout de même senti le poids des responsabilités sur mes épaules..

Parlons un peu de RATP Dév maintenant. Vous m’avez expliqué que vous avez un plan stratégique pour développer cette entreprise. Est-ce que vous pouvez nous le présenter en quelques minutes (même si vous m’avez dit que vous étiez capable d’en parler 70 heures, ce dont je ne me permets pas de douter) ?

Ratp Dev en chiffres, ce sont 16 000 collaborateurs, 110 filiales réparties dans 14 pays. Les grandes lignes de notre plan stratégique seront dévoilées les 8 et 9 juin prochain. Notre ambition est d’apporter un service de proximité sur fond de développement durable. En 2020 nous souhaitons atteindre un CA de 2 milliards d’euros.

Nous visons l’excellence opérationnelle, au service de nos clients, en innovant, tout en étant rentables. Nous prévoyons également de nous développer sur les territoires où nous sommes déjà présents. Nous souhaitons développer plus rapidement le transport sur rail urbain plutôt que le bus. Nous sommes encore une petite société dans un marché qui ne cesse de se développer. Nous n’allons pas manquer d’opportunités, çà c’est sur !

Je souhaite amplifier la Responsabilité Sociétale de l’Entreprise, sur 3 points relatifs aux ressources humaines :

I / Mobilité interne la plus optimisée possible

II / Impulser un changement culturel avec une évolution d’une entreprise qui se pense comme une entreprise française qui va à l’international à un groupe international dont le siège est en France, et avec l’ensemble de nos opérations dans le monde qui devient exportatrices de talents vers d’autres opérations et pays du groupe

III / Donner plus de place à la diversité et à la mixité.
Actuellement il y a seulement 20% de femmes (25% parmi les managers). Il y a un vrai enjeu de féminisation et c’est un enjeu qui est juste.

 

Interview par Marie-Xavière Wauquiez

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