Rencontre avec Alexandra Reinagl, Présidente Directrice Générale de Wiener Linien (Autriche)
“Nous veillons à ce que nos transports publics soient aussi inclusifs que possible, tant en termes d'infrastructures que de tarifs”
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Lors de l'European Mobility Expo qui s'est tenue à Strasbourg du 1er au 3 octobre 2024, Femmes en Mouvement a organisé un petit-déjeuner avec Alexandra Reinagl, animé par Fabienne Keller, députée européenne, en présence d'une quarantaine de participant·e·s.
“Mon premier contact avec les transports publics s'est fait lorsque j’utilisais, jeune fille, un bus qui reliait la banlieue de Vienne au centre-ville. Cette ligne était synonyme de liberté”, se souvient-elle.
Après des études de droit, Alexandra choisit de travailler à Vienne, “une ville merveilleuse”. Elle rejoint le service financier de la ville de Vienne et est alors responsable du financement des transports publics. De 2008 à 2011, elle est directrice générale de VOR (Verkehrsverbund Ost-Region GmbH), l'autorité des transports publics pour Vienne, la Basse-Autriche et le Burgenland. Elle s'est ensuite vu proposer le poste de directrice financière de Wiener Linien (9 000 salariés) en 2011, avant de devenir la CEO en 2022.
Tout au long de sa carrière, Alexandra a souvent été l'une des seules femmes dans un monde d'hommes. “L'avantage, c'est d’être très visible. Mais c'est le seul !”, estime-t-elle.
Ses conseils aux jeunes femmes :
Ayez confiance en vous, ne soyez pas timides, prenez le micro pour faire entendre votre voix !
Saisissez les opportunités qui se présentent à vous, n'attendez pas d'être prêtes à 100 %.
Relevez tous les défis qui se présentent à vous, même si vous n'êtes pas sûres d'être à la hauteur. Et n'ayez pas peur d'échouer. Il vaut mieux essayer quelque chose que de risquer de regretter de ne pas l'avoir fait. L'échec est formateur et une source de progrès.
Féminisation de la main-d'œuvre
“Pour les postes de direction à Wiener Linien, il y a actuellement un quota de près de 50 % de femmes. Mais c'est plus difficile pour les postes dans la conduite et les ateliers de maintenance, car il est très difficile d'attirer les jeunes femmes vers les métiers techniques”, explique-t-elle.
Alexandra s'est rendue sur le terrain pour mieux comprendre leurs réticences et leurs freins. Selon elle, la question de la sécurité, notamment la nuit, est fondamentale. “Par exemple, nous proposons des horaires adaptés aux familles et nos conductrices peuvent contacter notre centre de contrôle à tout moment”. Un autre moyen est de développer les cabines fermées, qui rassurent les conductrices.
Des leviers pour développer les transports publics
“Nous veillons à ce que nos transports publics soient faciles d'accès et inclusifs, tant en termes d'infrastructures que de tarifs”.
Différentes actions sont menées pour rendre la mobilité la plus flexible, la plus sûre et la plus durable possible.
La rénovation des gares. “Plus de la moitié des passagers sont des femmes ! Il ne faut jamais l'oublier et prendre en compte leur avis et leurs attentes, par exemple en travaillant sur l'éclairage pour éviter les zones sombres et anxiogènes”.
Les femmes effectuent de multiples trajets dans la journée (domicile, travail, école, courses, etc.), souvent avec de lourdes charges. Il faut donc privilégier les correspondances courtes. Veiller à ce que les transports soient accessibles aux personnes en situation de handicap, aux femmes avec des poussettes, etc. Par exemple, dans le métro, il y a non seulement des escaliers roulants mais aussi des ascenseurs. Et les tramways ont des planchers très bas.
Il existe un programme d'extension et de développement du métro, qui nécessite d'importants travaux souterrains. “Nous développons aussi le tramway (il y a actuellement 28 lignes), ce qui nécessite de l'espace car nous privilégions les lignes dédiées pour éviter les accidents et les ralentissements. Je ne suis pas favorable à la concurrence entre les modes de transport durables”. Cela nécessite des arbitrages avec les pistes cyclables, les zones piétonnes et les espaces de loisirs. “Nous voulons créer une ville verte où il fait bon vivre et travailler. Pour ce faire, nous travaillons en étroite collaboration avec le conseil municipal et le service d'urbanisme, dirigé par une femme. À Vienne, il existe depuis longtemps une culture des transports publics qui n'a jamais été remise en question”.
“Notre objectif est d'offrir une chaîne de mobilité en transports publics la plus fluide possible, avec une réflexion approfondie sur le premier et le dernier kilomètre, afin que les gens n'aient pas à prendre la voiture. La voiture n'est pas notre ennemie, mais elle doit être partagée”.
“Nous offrons un accès aux transports publics dans un rayon de 300 mètres dans toute la ville. Il ne s'agit pas toujours du métro ou du tramway, mais au moins d'un bus dans les zones suburbaines. Nous testons actuellement des services de navettes à la demande. Il s'agit de petits bus électriques pour huit personnes. Vous pouvez les appeler via votre application et ils vous emmènent à la prochaine station ou au prochain pôle de transports publics. Nous avons également étendu nos services avec des services partagés : 3 000 vélos en libre accès (avec sièges enfants), 100 voitures électriques”.
Le métro, le tramway, le bus et la navette à la demande sont accessibles avec le pass annuel, qui coûte 365 euros depuis 10 ans, soit 1 euro par jour. Les services partagés sont jusqu'à 50 % moins chers pour les détenteurs d'un pass annuel. À Vienne, 1,2 million de personnes sur une population totale de 2 millions d'habitants possèdent ce pass. À Vienne, très peu de personnes possèdent une voiture personnelle et de moins en moins de jeunes passent le permis de conduire.
Alexandra estime que les échanges entre villes européennes ou internationales, via l'UITP par exemple, sont très intéressants “pour observer les différentes solutions techniques et financières adoptées, pour comprendre la manière dont elles prennent en compte les attentes des femmes, etc”. Selon elle, Strasbourg est un bon exemple en matière de transports publics. La Suisse aussi, avec un réseau dense et des fréquences très régulières. En dehors de l'Europe, Singapour est un modèle à étudier.
‘We make sure that our public transport is as inclusive as possible, both in terms of infrastructure and fares’.
During the European Mobility Expo held in Strasbourg from 1 to 3 October 2024,
Femmes en Mouvement organised a breakfast with Alexandra Reinagl, hosted by Fabienne Keller, Member of the European Parliament, and attended by some thirty participants.
‘My first contact with public transport was when I was a young girl on a bus that ran from the suburbs of Vienna to the city centre. This line was synonymous with freedom’, she recalls.
After studying law, Alexandra chose to work in Vienna, ‘a wonderful city’. She joined the financial department of the city of Vienna and was therefore responsible for the financing of public transport in Vienna. From 2008 to 2011, she was Managing Director of VOR (Verkehrsverbund Ost-Region GmbH), the public transport authority for Vienna, Lower Austria and Burgenland. She was then offered the position of Chief Financial Officer of Wiener Linien (9,000 employees) in 2011, before becoming CEO in 2022.
Throughout her career, Alexandra has often been one of the only women in a man's world. ‘The advantage is that you are highly visible. But that's the only advantage,’ she says.
Her advice to young women:
Have confidence in yourself, don't be shy, take the microphone to make your voice heard!
Seize the opportunities that come your way, don't wait until you're 100% ready.
Take on every challenge that comes your way, even if you're not sure you're up to it. And don't be afraid to fail. It's better to try something than to risk regretting not having done it.
Failure is a learning experience and a source of progress
Feminisation of the workforce
‘For management positions at Wiener Linien, there is currently nearly a quota of 50% for women. But it's more difficult for the driving and maintenance workshop jobs, because it's very difficult to attract young women to technical jobs,’ she explains.
Alexandra went out into the field to gain a better understanding of their reservations and obstacles. In her view, the issue of security, especially at night, is fundamental. ‘For example, we offer family-friendly shifts and our drivers can contact our control centre at any time. Another way is to develop closed cabs, which reassure female drivers.
Levers for developing public transport
‘We make sure that our public transport is easy to access and inclusive, both in terms of infrastructure and fares’.
Various actions are being taken to make mobility as flexible, safe and sustainable as possible.
The renovation of stations. ‘More than half of all passengers are women! We must never forget this and take their views and expectations into account, for example by working on lighting to avoid dark, anxiety-provoking areas’.
Women make multiple journeys in a day (home, work, school, shopping, etc.), often with heavy loads. So we need to give priority to short connections. Make sure that transport is accessible to people with disabilities, women with strollers and so on. For example, in the metro, there are not only escalators but also lifts. And the trams have ultra-low floors.
There is a programme to extend and develop the metro, which will require major work to be carried out underground. ‘We are also developing the tramway (there are currently 28 lines), which requires space because we prefer dedicated lines to avoid accidents and slowdowns. I'm not in favour of competition between sustainable modes of transport. This requires trade-offs with cycle paths, pedestrian zones and leisure areas. ‘We want to create a green city that is pleasant to live and to work in. To achieve this, we work closely with the city council and the city planning department, run by a woman. ‘In Vienna, there has long been a culture of public transport that has never been called into question.
‘Our aim is to offer the smoothest possible chain of public transport mobility, with careful thought given to the first and last kilometres, so that people don't have to take the car. Cars are not our enemies, but they should be shared.
‘We offer access to public transport within a 300 metre radius throughout the city. It's not always the metro or tram, but at least a bus in suburban areas. We are currently testing and piloting on-demand shuttle services. These are small electric buses for eight people. You can call them up via your app and they take you to the next station or public transport hub. We've also extended our services with shared services: 3,000 self-access bicycles (with child seats), 100 electric cars’.
You can use metro, tram, bus and on-demand shuttle with the annual pass, which has cost 365 euros for the last 10 years, or 1 euro a day. And the shared services are up to 50 % cheaper for annual pass holders. In Vienna, 1.2 million people out of a total population of 2 million have this annual pass. Very few people in Vienna own a private car, and fewer and fewer young people are taking their driving test.
Alexandra believes that exchanges between European or international cities, via the UITP for example, are very interesting ‘to observe the different technical and financial solutions adopted, to understand the way in which they take account of women's expectations, etc.’. In her opinion, Strasbourg is a good example in terms of public transport. Switzerland too, with a dense network and very regular frequencies. Outside Europe, Singapore is a model worth studying.